C’est une chance pour Eric Cantona que les réseaux sociaux n’existaient pas encore lors de sa carrière de joueur tant ses déclarations étaient polémiques. Si l’attaquant français est adulé outre-Manche, où Manchester United a fait de lui un « King », son image en France restera controversée faute à de multiples déclarations parfois lunaires tantôt provocatrices. Aujourd’hui, retour sur les punchlines de celui qui aura fait parler de lui autant pour ses performances sur le terrain que pour ses déclarations face caméra.
« Sac à m**** » : l’insulte d’Eric Cantona à l’encontre de son sélectionneur Henri Michel
Qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête de l’attaquant français pour insulter publiquement son sélectionneur en cette année 1988 ? A ce stade de sa carrière, Eric Cantona n’est pas encore le joueur emblématique du grand Manchester United loin de là. Il est certes une promesse du championnat de France mais tout reste à accomplir pour lui. A l’inverse, son sélectionneur Henri Michel a lui fait ses preuves depuis sa prise de fonction avec l’équipe de France en 1984. C’est avec Henri Michel à sa tête que les bleus décrochent la troisième place du Mondial mexicain de 1986 avec notamment une victoire légendaire face au Brésil de Socrates. Ces faits d’arme n’empêchent pas Eric Cantona de pester contre sa non convocation pour le match des bleus contre la Tchécoslovaquie. L’attaquant alors à l’OM semble vivre cette décision comme un crime de leste majesté et ne se prive pas de crier au scandale devant les journalistes. Le joueur ne fera pas les choses à moitié, lisez plutôt : « Je ne jouerai plus en équipe de France tant qu’Henri Michel y sera à sa tête. Ne me parlez plus de lui, je ne le connais plus… Un jour, je serai tellement fort qu’il faudra choisir entre lui et moi… Je viens de lire ce que Mickey Rourke a déclaré à propos des Oscars, que celui qui s’en occupe est un sac à merde. Je ne suis pas loin de penser qu’Henri Michel en est un, lui aussi, j’ai ma conscience pour moi… Je souhaite me tromper, pour les joueurs, mais je pense que Michel ne restera pas longtemps à son poste… » Du Cantona dans le texte, c’est-à-dire sans nuance et théâtral à souhait comme un avant goût de son futur jeu d’acteur. Henri Michel restera lui sobre déclarant simplement «Je suis triste oui. C’est grave de porter des jugements comme cela et c’est ce que je regrette le plus». La Fédération Française de football ne laissera pas impuni de telles vociférations à l’encontre de son sélectionneur et Eric Cantona en sera pour ses frais avec un bannissement d’un an de la sélection. Plus que la sanction en elle-même, cette déclaration est importante car l’histoire d’Eric Cantona avec l’équipe de France ne sera plus jamais la même. Certes, il sera rappelé par Michel Platini qui prendra la suite de Henri Michel mais Aimé Jacquet lui ne s’y trompera pas et préférera confier les clés du jeu de l’équipe de France à Zidane et Djorkaeff plutôt qu’à Cantona et Ginola. La suite donna raison à Jacquet et tant bien même Cantona devint une légende en Angleterre son caractère tempétueux ne changea jamais. Les polémiques qui suivirent le prouve et c’est ce que nous allons voir maintenant.
Eric Cantona le « kung-fu fighter » ou comment passer du coup de pied dans le ballon à celui asséné à un supporter
Ce 25 janvier 1995, la Premier League entame la phase retour de son championnat avec le déplacement de Manchester United à Crystal palace. Ce qui n’aurait dû être qu’une banale exclusion suite à une altercation entre un attaquant et un supporter va tourner au scandale planétaire. Eric Cantona ne fait jamais rien comme les autres et il va nous le prouver une fois encore. Si l’attaquant français, exclu par un carton rouge, semble regagner le vestiaire comme prévu, l’impensable va se produire lorsqu’il entend un supporter l’insulter copieusement. Ni une ni deux, Eric Cantona s’élance vers le supporter, enjambe les panneaux publicitaires et vient lui asséner un coup de pied à la Jean-claude Van Dame. Le joueur retombe maladroitement sur la pelouse mais revient vers sa cible pour en découdre de nouveau. La sécurité arrive immédiatement et empêche la situation de dégénérer mais le mal est fait. Eric Cantona se verra suspendu neufs mois de toute compétition et en aura pour 120 heures de travaux d’intérêt général. Plus encore que le coup de pied, l’histoire retiendra sa déclaration lors de la conférence de presse suite à sa condamnation : « When the seagulls follow the trawler, it is because they think sardines will be thrown into the sea ». Bien aimable le joueur nous la fera aussi en français : « Quand les mouettes suivent le chalutier, c’est parce qu’elles pensent qu’on va leur jeter des sardines ». Et avec Eric Cantona jamais de regret ou sinon celui d’y avoir été trop mollement puisqu’il confia quelques années plus tard à Fourfourtwo « J’ai atterri sur mes pieds(….). C’est pour ça que je suis retourné le frapper. Mais je ne l’ai pas frappé assez fort. J’aurais dû le frapper plus fort. »
« Je leur pisse au cul… » : la haine des journalistes à l’état pur
Suite à ce coup de sang, L’Equipe frappera le joueur de son opprobre par une une sans concession titrée » Indéfendable! » avec la photo du coup de pied de l’attaquant mancunien contre le supporter de Crystal Palace. Et chez Eric Cantona, la vengeance est un plat qui se mange froid, preuve en est six ans plus tard sur le plateau de l’émission Côté Tribune de Pathé Sport à laquelle participe justement deux journalistes Christian Ollivier pour RTL et Patrick Urbini, alors journaliste à L’équipe. Eric Cantona, tel un buteur qui ne loupe pas le cadre ne manque pas l’occasion de se venger des critiques subies à l’époque en s’en prenant vertement aux journalistes présents sur place : « Je pisse au cul de beaucoup de journalistes dont vous faites partie », pointant du doigt Ollivier et Urbini, circonspects face à l’outrance de la charge.
« Deschamps a un nom qui sonne bien français » : l’accusation indécente de racisme à l’encontre de Didier Deschamps
On aurait pu penser qu’après ses propos contre Henri Michel, Eric Cantona fasse le choix de ne plus s’en prendre à la fonction de sélectionneur de l’équipe de France mais c’est mal le connaitre. Quelques années plus tard, ce fut au tour de Raymond Domenech de subir les foudres du « King » avec cette attaque en règle : « il est l’entraîneur le plus nul du football français depuis Louis XVI. Si c’est moi qui décide, je mets Laurent Blanc à la tête de l’équipe de France. Il continue sa saison avec Bordeaux, il est champion avec Bordeaux et il gagne la Coupe du monde ! ». En même temps, difficile de lui donner tort sur ce coup-là. Si la cette déclaration peut prêter à sourire celle qu’il fera sur Didier Deschamps sera elle bien plus tendancieuse puisqu’il accusera à mot couvert l’ancien capitaine de l’OM de racisme :« Une chose est sûre, Benzema, [alors exclu des Bleus à cause de sa mise en examen dans l’affaire de la sextape visant son partenaire Mathieu Valbuena] et Hatem Ben Arfa [alors sur la liste des réservistes, et finalement non retenu] sont les deux meilleurs joueurs en France et ils ne joueront pas à l’Euro. Ce qui est certain également c’est que leurs origines sont nord-africaines. Donc oui, le débat est ouvert », avait déclaré Eric Cantona le 26 mai 2016. Et d’ajouter « Deschamps a un nom qui sonne bien français. C’est peut-être le seul en France à avoir un nom aussi français. Personne ne s’est jamais mélangé avec personne dans sa famille. Comme les Mormons en Amérique ». L’indécence devrait avoir certaines limites mais cela ne semble pas être le cas chez Cantona.
« Faire la révolution par les banques » : les inepties révolutionnaires d’un nanti du football
C’est une chose de dribbler les défenses adverses cela en est une autre de vouloir faire déjouer le système bancaire. C’est pourtant le pari osé que pris Eric Cantona lors d’une interview à Presse Océan. Dans celle-ci, le « King » livra sa vision de la crise économique de 2010 : « La révolution, aujourd’hui, se fait dans les banques : tu vas à la banque de ton village et tu retires ton argent. Et s’il y avait 20 millions de gens qui retirent leur argent, le système s’écroule. Pas d’armes, pas de sang, rien du tout, à la Spaggiari [connu comme le cerveau du « casse du siècle » à la Société générale en 1976]. » Si la déclaration fit l’objet d’un buzz sur les réseaux sociaux et alla même jusqu’à faire réagir des politiques, l’appel à retirer de l’argent des banques resta sans lettre morte.
Toutes ces déclarations ne peuvent résumer à elle seule le personnage Eric Cantona mais elles en disent quand même beaucoup d’un joueur qui a préfiguré l’archétype du footballeur incompris. C’est cette figure du joueur incompris par les médias ou ses coachs qu’on retrouva par la suite sous d’autres formes chez les Nicolas Anelka, Jérémy Ménez ou Samir Nasri. Et à chaque fois pour tous ces joueurs le même constat : des carrières dont on aimerait parler davantage pour les exploits sportifs que pour les controverses médiatiques.
Et vous que pensez-vous de la carrière de Cantona ? Retenez-vous ses exploits sur le terrain ou ses frasques médiatiques ? Dites nous tout dans les commentaires.