Le ballon d’or le plus contesté : Canavarro

Alors que les polémiques vont bon train concernant le boycott de la cérémonie du ballon d’or par le Real Madrid, il faut se souvenir que ce n’est pas la première fois que l’attribution de cette prestigieuse récompense individuelle fait polémique.

On aurait pu prendre le cas du ballon d’or 2013 qui désigna Ronaldo et dont certains considèrent que F. Ribery ne l’aurait pas usurpé. De même, celui de Messi en 2010 pour lequel Iniesta n’aurait pas démérité. Cependant, étudions plutôt ici le cas du ballon d’or le plus surprenant de l’histoire selon nous : celui de l’emblématique défenseur italien Fabio Canavarro, lauréat en 2006.

Pour mesurer la portée de ce choix par le jury France Football, replongeons nous dans la saison 2005-2006 de F. Canavarro. A ce moment-là de sa carrière, le charismatique défenseur italien joue sa deuxième saison à Turin. Il retrouve dans cette ville ses anciens partenaires de Parme, Buffon et Thuram, avec qui il forme une défense de fer. Il vit un peu sa « best life » ou son « prime » à Turin après deux saisons mitigées à l’inter milan. De 2004 à 2006, F. Cannavaro décrochera ainsi deux Scudetto mais vous ne les trouverez pas sur son palmarès officiel (l’affaire des matchs truqués « Calciopoli » étant passé par là).

C’est donc avec une grande confiance que le rugueux défenseur italien aborde la coupe du monde 2006. L’Italie arrive dans cette compétition avec une génération d’orée : Buffon, Gattuso, Pirlo, Totti, Del Piero. Et ce qui devait arriver arriva, l’Italie fut championne du monde 2006 avec pour principal artisan de ce succès F. Cannavaro.

Alors pourquoi au terme d’une saison réussie, tant en club qu’en équipe nationale, son titre de ballon d’or a-t-il suscité tant de controverse ?

Cannavaro : une personnalité sulfureuse

Plusieurs faits d’arme ne plaident pas en sa faveur.

L’affaire du Calciopoli. Ce scandale retentissant de la série A impliqua directement la Juventus et son directeur sportif Luiciano Moggi. Ce dernier fut mis en cause par des écoutes téléphoniques attestant de tentatives de fraudes envers les désignateurs des arbitres du Calcio. Ce qui fut reproché à F. Cannavaro s’est sa grande complaisance à l’égard de Moggi dont il dira « Moggi était le meilleur de tous, il ne faisait que ce que les autres font aussi ». Après que la justice ait retiré les deux titres de champion à la Juventus, F. Canavaro ira jusqu’à affirmer « Ces deux titres m’appartiennent ». On a connu plus intègre….

L’ombre du dopage :

Entre la Juventus et le dopage c’est un « je t’aime moi non plus » Le parquet de Turin mènera même une enquête concernant la période de 1996 à 2004. Si la prise d’EPO par les joueurs ne pourra être prouvée, de légitimes doutes seront nourris sur la probité du staff médical de cette époque. Et ce n’est pas le documentaire avec et de F. Canavarro qui viendra éteindre les soupçons. Dans ce film, on voit le joueur se filmant avec désinvolture lors d’une perfusion d’un « reconstituant » dans sa chambre d’hôtel de Moscou à la veille de la finale de Coupe UEFA contre Marseille, le 11 mai 1999 : « Regardez dans quel état on est, j’ai 25 ans et ils me tuent, vas-y docteur, enfile l’aiguille, mon bras se gonfle ; si je vends cette cassette tu sais combien j’encaisse… ? » La télévision italienne diffusera la séquence en avril 2005, provoquant un tollé général. 

L’absence de compassion après avoir blessé gravement un joueur :

On attend du ballon d’or un certain sens du fair-play et si Zidane a vu lui échapper le ballon d’or en 2006 et 2001 c’est à cause de coup de tête contre ses adversaires. Mais que doit-on dire du tacle du défenseur turinois envers Gaby Mudingayi qui laissa le joueur belge out jusqu’à la fin de saison ? Le milieu de terrain de la Lazio condamnera le geste de l’italien : « J’ai été victime d’un gros coup de Fabio Cannavaro. Il m’a taclé les deux pieds par-derrière. J’en veux en tout cas à Fabio Cannavaro, d’autant que le tacle qu’il a fait n’était pas nécessaire. Nous étions dans le camp de la Lazio. C’est pas comme si j’étais en possession du ballon près du but. ». Un fair-play qui laisse donc à désirer.

L’Italie championne du monde : un titre sans panache ?

La défiance envers F. Cannavaro accompagne aussi celle qui visait la Squadra Azzurra championne du monde en 2006. Bien que victorieuse de l’épreuve, l’Italie ne souleva pas les foules faute d’un jeu trop fidèle au Catenaccio et laissant trop peu de place à la créativité. Son parcours jusqu’à la finale ne fut pas sensationnelle excepté une brillante victoire contre l’Ukraine 3-0. F. Cannavro, en tant que capitaine de cette équipe, symbolisa cette rigueur défensive placée au-dessus de toute notion de spectacle dans le système de jeu italien.

Cannavaro : une antithèse du ballon d’or ?

Manque de fair-play, remise en cause de son éthique sportive, défenseur à l’ancienne, on comprend bien vite pourquoi l’attribution de ce ballon d’or suscita la controverse. Cette défiance à l’égard de F. Cannavro s’explique aussi par l’idée que nous nous faisons du ballon d’or. Ce trophée ne se limite pas à récompenser celui qui a le plus beau palmarès sur une année. Cela serait bien trop réducteur. Si ce trophée est devenu si prestigieux et un Graal pour tous les footballeurs c’est pour ce qu’il représente dans l’inconscient et l’imaginaire collectif. Le ballon d’or c’est le joueur que tout le monde voudrait être, celui qui par son génie fait gagner son équipe. Le ballon d’or désigne celui qui aura le mieux représenté ce qu’on aime le plus dans le football : une technicité hors pair, une aisance gestuelle, une capacité à briller tout en étant au service du collectif, un but sensationnel et des prouesses lors de matchs clés. Le ballon d’or c’est tout à la fois dans un style unique chaque année.

Le ballon d’or c’est aussi une histoire individuelle qui se conjugue avec celle d’une nation tout entière. Zidane en 1998, c’est un titre de champion du monde mais ça vient surtout récompenser le rêve d’une nation et l’accomplissement d’un destin personnel. Le ballon d’or c’est aussi l’histoire de résurrection tel un phénix pour Ronaldo en 2002 qui renaît de ses cendres. En effet, il est un joueur dont on ne savait pas si il foulerait de nouveau les pelouses d’un terrain de football et qui revient au firmament du football mondial en étant champion du monde. C’est ainsi que le ballon d’or s’est construit sa légende et qu’il continuera à nous faire rêver.

Alors n’en déplaise à certains mais non F. Cannavaro restera à nos yeux comme une anomalie à ce trophée du ballon d’or.

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