
Le drame de Furiani c’est un rêve qui tourne au cauchemar. Bastia alors en ligue 2 devait défier le grand OM des années 90 pour ce qui aurait dû être une grande fête. Malheureusement, la rencontre n’aura jamais lieu suite à l’effondrement d’une tribune sept minutes avant le coup d’envoi du match. Cette catastrophe, la pire connue par le football français, fera 19 morts et 2357 blessés.
Contexte du match : un exploit attendu par toute une île
Pour Bastia alors en ligue 2, cette demi-finale de la coupe de France contre l’OM est le match de l’année. Il faut se souvenir qu’à l’époque l’OM est une équipe de stars avec les Papin, Waddle, Amoros, Boli,etc…A leur tête, le charismatique, mais non moins controversé, Bernard Tapie qui vient de mener son équipe jusqu’en finale de coupe d’Europe. Ce match est donc un événement qui va susciter un engouement populaire jamais vu. Dès l’annonce du tirage au sort, c’est la foire d’empoigne pour avoir un billet. Le modeste stade Armand-Cesari avec ses 9000 places est rapidement plein. Marseille propose donc de joueur le match au Vélodrome plus apte d’accueillir les supporters grâce à ses 40000 places. Mais non, les dirigeants bastiais ont une autre idée en tête et c’est là que va se jouer le drame de Furiani.
Une tribune provisoire construite par appât du gain
Pour accueillir le plus de spectateurs possible les dirigeants corses, sans doute attirés par l’appât du gain, vont avoir l’idée de bâtir une tribune provisoire de 9300 places afin de doubler la capacité du stade. Les billets seront eux revendus 75 % plus chers que pour le quart de finale à Nancy et la recette de la billetterie ne sera qu’en partie déclarée. Mais plus grave encore la tribune fût construite en toute illégalité chose qu’ignorait les spectateurs au moment du drame.
Un édifice construit en toute illégalité en seulement dix jours
Dès le début, cette construction se fait illégalement. En effet, cette tribune provisoire doit prendre la place de l’ancienne tribune en béton de 750 places baptisée Claude Papi. Or, cette opération de destruction se fait sans permis de démolition, premier accroc. Le chantier démarre tout de même le 28 avril, soit huit jours avant le match. Le 29 avril une commission de sécurité se déplace sur le chantier suite à quoi la Ligue corse de football envoie à la fédération française un avis favorable à la tenue du match. Cependant, ce document se révèle être un faux car les membres de la commission (préfecture et gendarmerie notamment) ont émis des réserves sous les recommandations des pompiers au regard d’une construction qui la veille du match n’est même pas terminé. Une nouvelle commission jugera estimera le niveau de sécurité très insuffisant. Le jour du match, alors même que les spectateurs prennent place, des travaux auront encore lieu dans cette tribune.
Des supporters pris au piège dans une tour de fer sans fondations
Les 10 000 spectateurs qui s’installent dans la tribune ne savent malheureusement pas que la structure est complètement instable vu dans quelles conditions elle a été construite. Il faut s’imaginer cette tour de fer qui n’a de tribune que le nom et qui ressemble davantage à un énorme échafaudage. L’ensemble repose sur des tasseaux de bois bien fragiles voir même parfois des parpaings. L’organisation, avant même le début du match, commence à avoir des doutes sur la stabilité de la tribune et réquisitionne des employés du constructeur Sud-Tirubnes de toute urgence pour resserrer les boulons. En attendant, les supporters ne se doutent de rien, l’ambiance monte dans la tribune, la météo est au beau fixe, les gens veulent chanter et sauter. Le speaker, Jean-Pierre Paoli, tentera de calmer les ardeurs des spectateurs en demandant « de ne pas taper des pieds sur la partie en fer, pour des raisons de sécurité ». Mais cela ne fait qu’enflammer davantage le public. Nous ne sommes plus qu’à quelques minutes du coup d’envoi du match et du drame.
20h23 : c’est la stupeur dans le stade un bruit sourd vient de tétaniser tout le public. On entend plus aucun chant et le silence règne. Le haut de la tribune vient de s’effondrer. Pour les personnes assises en haut des gradins cela signifie une chute de quinze mètres de haut. Arrive alors les cris détresse et la panique des spectateurs. Certains essaient tant bien que mal de s’extraire d’une tribune qui n’est plus qu’un monceau de ferraille et de barres métalliques. Les joueurs bastiais viennent au secours des survivants en les aidant à passer les grillages pour se réfugier sur la pelouse. C’est une scène de chaos que les français découvrent sur TF1 pour ce match qui était retransmis en direct à la télévision.
21h00 : l’ordre d’évacuation est donné et tout le monde a conscience de la gravité de la situation. Les secours sont sur place et font la maximum mais l’accessibilité du stade complique tout. Il est dur d’évacuer les blessés car une seule route donne accès au stade. Les hélicoptères viennent en renfort les un à la suite des autres et se posent sur le rectangle vert devenu un hôpital de fortune. Le premier bilan annonce un mort et 50 blessés. Les hôpitaux de Nice et Marseille sont appelés en renfort pour prendre en charge un bilan qui s’alourdira à 19 morts et 2357 blessés. La Corse rêvait d’une qualification héroïque face à l’OM, elle vivra finalement une soirée apocalyptique impossible à oublier.
Les suites sportives et judiciaires
Face à l’ampleur du drame la décision fut prise de ne pas rejouer le match. Les joueurs bastiais et marseillais s’y refusaient et la fédération décida d’annuler la finale. L’arrêt de la coupe de France restera dans les annales pour une compétition qui n’avait jamais été annulée dans toute son histoire.
Plus important la question des suites judiciaires et des responsabilités de ce drame. Après un long feuilleton judiciaire, les principales condamnations tombèrent dont celles de Jean-Marie Boimond (1), directeur technique de Sud-Tribunes, qui a supervisé la construction, et de Michel Lorenzi (2), vice président du SEC Bastia.
Enfin, après un combat acharné, le collectif des victimes de la catastrophe de Furiani obtenu, en octobre 2021, un vote du parlement pour qu’aucun match de football professionnel n’ait lieu en France le 5 mai en hommage aux victimes. Un devoir de mémoire désormais respecté tous les ans pour ne jamais oublier ce drame qui prît la vie de 19 personnes.
(1) Jean-Marie Boimond a été condamné à 24 mois de prison ferme et 30 000 francs d’amende pour homicides et blessures involontaires
(2) Michel Lorenzi a été condamné à 10 mois de prison avec sursis et 15 000 franc d’amende pour homicides et blessures involontaires