On a tous en tête un joueur qu’on aimait et qui malheureusement n’a pas eu la carrière qu’il méritait à cause de mauvais choix. Pour ma part, ce joueur c’est Nicolas Anelka. Je me souviens de lui à ses débuts et il me semblait encore plus fort que Thierry Henry. Chez Anelka, il y avait ce côté félin et racé. Il fallait voir ses dribbles et ses accélérations avec des changements de direction brutale. On voyait dans ses prises de balles la touche technique du joueur à part. Et pourtant, que reste-t-il de la carrière de Nicolas Anelka ? Une suite d’incompréhensions ? De rendez-vous manqué ? Des titres certes mais surtout ce sentiment de gâchis. La faute à des clubs qu’il quitta fâché avec ses dirigeants, des clashs avec ses entraîneurs, une relation tumultueuse avec les médias et pas moins d’une dizaine de clubs différents dans sa carrière.
En tant qu’agent de Nicolas Anelka voici comment j’aurais géré les grandes étapes de sa vie de footballeur.
Le départ de Paris en début de carrière : un premier choix qui pose question
Formé à l’INF Clairefontaine, la carrière de Nicolas Anelka démarre au PSG et déjà dès le début la tension est présente. Le joueur, alors précoce, fait son premier match à 16 ans en février 1996 et inscrira son premier but à 17 ans en septembre de la même année. Dès lors, le jeune prodige réclame plus de temps de jeu dans un effectif où l’attaque est composée de joueurs confirmés tels que Rai, Patrice Loko ou Patrick Mboma. Lors du mercato hivernal, il profitera d’une législation encore floue pour signer à Arsenal.
Sur ce premier choix de carrière, si j’avais été son agent je lui aurais demandé de patienter pour s’imposer dans son club formateur. Il n’avait encore que 17 ans et avait largement le temps de s’imposer dans cet effectif parisien. Cette impatience à vouloir tout de suite se faire une place de titulaire sera une constante dans sa carrière. Et cela lui portera grandement préjudice.
Partir au clash avec Arsenal : le pêché originel de sa carrière
Une fois à Arsenal, il se retrouve face aux mêmes difficultés que celles dans l’effectif parisien. Arsenal possède une attaque de feu avec Dennis Bergkamp et Ian Wright. Ainsi, Nicolas Anelka ne joue que 4 matchs pour ses débuts à Highbury sur la deuxième partie de saison 1996-1997. Il arrivera finalement à faire sa place lors de la saison suivante (1997-1998) grâce à une blessure de Wright et gagnera ses premiers trophées : coupe et championnat. La saison 1998-1999 est celle de la confirmation avec 17 buts en 35 matchs. On se dit que la carrière de Nicolas est définitivement lancée avec un brillant avenir en Premier League sauf que non car il choisit de quitter Arsenal. Pour sa prochaine destination, il signe alors à Madrid pour 220 millions de francs permettant à Arsenal de faire une jolie plus-value sur son transfert lui qui avait été acheté 5 millions au PSG.
Sur cette deuxième décision, le départ d’Arsenal semble précipité : l’équipe avait encore de l’avenir, lui avait une marge de progression et le championnat anglais était parfait pour ses qualités. En tant qu’agent, je lui aurai dit de faire encore deux ans à Arsenal pour se tester avec eux sur les compétitions européennes, continuer à emmagasiner de l’expérience et voir son rôle au sein de l’équipe prendre de l’ampleur (devenir capitaine à terme).
Madrid : une C1 mais un départ au bout d’un an
Aller à Madrid est une progression sportive au regard du prestige du club et de son palmarès sur la scène européenne. Cependant, il signe dans un club où l’attaque est composée de Raul et Morientes. Il souffre d’un faible temps de jeu et il lui arrive d’être placé sur le côté droit lorsqu’il est sur le terrain. Agacé Nicolas Anelka ira là encore au clash avec ses dirigeants. Ces derniers lui infligeront une amende et une obligation de s’excuser publiquement. Il parviendra à gagner la ligue des champions en contribuant à la victoire notamment par ses deux buts en demi-finale face au Bayern à la fois au match aller et au retour. Cependant, l’aventure n’ira pas plus loin et il quittera Madrid pour le PSG.
Sur cette décision, en tant qu’agent je lui aurai conseillé de rester à Madrid ou de revenir à Arsenal. Le retour à Paris était périlleux à plus d’un titre : déclassement sportif, projet parisien en tout début de construction, poids du prix du transfert à assumer et retour dans son club formateur où il sera forcément jugé différemment. Au final, pour lui qui a toujours eu des relations compliquées avec les médias ou le public c’est exactement ce qu’il ne fallait pas comme contexte.
Le retour à Paris : un pari manqué qui se termine en eau de boudin
Pour son retour au PSG, Nicolas sera présenté au public à la mi-temps du match amical contre le Corinthians Sao Paulo. Il fera un tour du stade resté dans les annales avec son pantalon remonté d’un côté de la jambe, lunettes de soleil sur la tête et débardeur en laine de mouton sur les épaules. Malheureusement, malgré des débuts prometteurs les choses vont vite déraper avec l’habituelle crise de novembre. Celle-ci provoquera le départ de Philippe Bergero et son remplacement par Luis Fernandez. Nicolas Anelka ne parviendra pas à s’entendre avec son nouveau coach et devra une nouvelle fois changer de club.
Le choix judicieux du retour en Angleterre : Liverpool puis Manchester City
En tant qu’agent de joueur, on lui aurait conseillé de revenir en Premier League car c’est à ne pas en douter le championnat qui lui correspond le mieux. Preuve en est il connaîtra une très bonne période à Manchester City qui prendra fin à cause des problèmes financiers du club. Là où on lui aurait conseillé de rester en Angleterre, Nicolas Anelka choisit lui la Turquie.
La parenthèse turque : ailier droit à Fenerbahce
Sportivement, le choix peut s’entendre dans le sens où Fenerbahçe joue la coupe d’Europe et le titre sur le plan national. Ceci dit, la Turquie est un championnat moins prestigieux que ceux connus jusqu’à lors dans sa carrière. Avec le recul, il est assez amusant de constater qu’il acceptera de jouer ailier droit à Fenerbahçe lui qui quelques années auparavant s’y était catégoriquement opposé à Madrid….
La relance à Bolton avant de retrouver les sommets à Chelsea
L’épisode turque ayant rapidement pris fin, Nicolas Anelka se relance à Bolton durant deux ans avant de signer à Chelsea pour 4 saisons de 2008 à 2012. Il y vivra le prime de sa carrière en terminant notamment meilleur buteur du championnat d’Angleterre avec 19 réalisations.
Une fin de carrière en mode globe trotter
Sa fin de carrière sera celle d’un globe trotter allant de Chine en Italie pour l’Angleterre et enfin l’Inde. En tant qu’agent de joueur, on aurait plutôt opté pour une fin de carrière en Europe auprès d’un club qui aurait eu besoin de son expérience de préférence en Angleterre. Un joueur de sa trempe aurait mérité de finir au sommet ou dans son club formateur. Hélas, sa fin de carrière sera à l’image de l’ensemble de sa vie de footballeur : des passages épisodiques pour un goût d’inachevé.
Quel bilan pour sa carrière ?
Un palmarès honorable mais famélique au regard de son potentiel
Nicolas Anelka a le mérite de pouvoir se retourner sur sa carrière en contemplant des trophées de tout premier ordre : Ligue des champions en 2000, Champion d’Angleterre 1998 et 2010, meilleur buteur du championnat d’Angleterre 2009 et vainqueur avec la sélection de l’Euro 2000. Cependant est-ce assez pour un joueur de sa trempe ? Thierry Henry ne disait-il pas de lui qu’il est «un des plus grands attaquants de l’histoire » dans un documentaire sur Netflix ? N’est-ce-pas également l’entraîneur allemand Christoph Daum qui dans une interview à So foot de 2012 déclarait que « Anelka aurait pu être meilleur que Messi ». Samuel Eto’o disait même sur Thierry Henry « je pense qu’il n’était pas au niveau d’Anelka ». L’affirmation fera débat mais partons du postulat qu’il dit vrai faut-il encore comparer les deux carrières. Or, entre la carrière de Thierry Henry et celle d’Anelka il n’y a pas match. Thierry Henry a sa statut à Arsenal, il a participé à toutes les compétitions internationales de l’équipe de France de 1998 à 2010 et on pourrait aussi comparer le nombre de buts et de titres.
Alors pourquoi Anelka n-a-t-il pas eu la carrière à laquelle il aurait pu prétendre au regard de ces qualités ? Pourquoi n’est-il pas devenu le joueur de légende que son potentiel laissait entrevoir ? Si j’avais été son agent, je lui aurais évité un certain nombre d’erreur qui ont clairement saboté sa carrière de manière irréversible.
Les multiples erreurs de communication :
En tant qu’agent de joueur, j’aurais expliqué à Anelka qu’une carrière se joue aussi sur le terrain médiatique et pas seulement sur le rectangle vert. Il y a des déclarations qui peuvent vous pénaliser et vous coller une étiquette dont il sera difficile de se débarrasser. Malheureusement c’est exactement le piège dans lequel est tombé Nicolas Anelka qui avait l’art de ces sorties médiatiques polémiques et contre-productives. En voici un florilège :
– l’affaire de la quenelle : lors d’un doublé contre West Ham Nicolas Anelka alors sous le maillot de West Bromwitch célébra son but par une quenelle geste ô combien polémique à cette époque. Quoi qu’on pense de ce geste comment un joueur de foot, sachant la médiatisation de ce sport, peut-il se lancer dans une telle célébration ? Il y a parfois chez Anelka une volonté inconsciente de se saboter. Comment ne pouvait-il pas se douter qu’un tel geste allait faire polémique alors que le foot est le sport le plus médiatisé en Angleterre ?
– le refus de la sélection sous Jacques Santini : suite à un certain nombre de forfait de joueurs titulaires, Santini avait convoqué Anelka en équipe de France mais ce dernier estimait ne pas être un « bouche-trous » et exigea de Santini « qu’il s’agenouille devant (lui), s’excuse d’abord et après je réfléchirai ». Où est l’amour de l’équipe de France dans cette déclaration ? Où est l’envie de briller sur la scène internationale ? Quand on pense à Zidane qui disait que l’équipe de France était la meilleure chose qui lui soit arrivée et que c’était le fil conducteur de sa carrière, on en est loin avec Nicolas Anelka.
Des clashs pléthoriques tant en club qu’en sélection :
– les clashs avec ses présidents : lors de son départ d’Arsenal, il déclarera «Je ne plais pas au public anglais et le public anglais commence à me déplaire» et d’ajouter une balle perdue pour son président David Dein qui ne pense qu’à «l’argent, à l’argent et encore l’argent». A Madrid bis repetita, cette fois-ci il dira du vice-président madrilène «il n’a pas voulu m’écouter, il a voulu jouer la force mais il a oublié que je venais de Trappes».
– les clashs avec ses entraîneurs : à Paris, c’est Luis Fernandez qui récoltera le courroux de l’attaquant puisque Anelka dira de son coach «Ce n’est pas un homme intelligent. Dès que vous montrez de la bonne volonté et discutez avec lui, il gâche tout.» A Liverpool, Gérard Houillier en sera lui aussi pour ses frais et sera visé par des accusations de racisme de la part d’Anelka. Enfin, le clash qui sonne le glas de sa carrière en équipe de France est celui avec Domenech dont L’Equipe avait fait sa une.
– les clash avec les journalistes et consultants : la liste des clashs précédente est ici non exhaustive car pour l’être complètement, il faudrait aussi évoquer ceux avec le journaliste Sebastien Tarrago, avec Bixente Lizarazu, Daniel Riolo, etc…
N’ayant jamais fait montre la moindre introspection et du plus élémentaire sens de la remise en cause, Nicolas Anelka eu après sa carrière de joueur un parcours tout aussi mouvementé et inachevé.
L’après carrière : éphémère consultant et dirigeant de passage
Le consultant RMC : « euh vous pouvez répéter la question ? »
Nicolas Anelka sera recruté par RMC pour intervenir dans Rothen s’enflamme. Il ne laissera pas un grand souvenir aux auditeurs de part ses analyses sporadiques et ses sempiternelles demande à Jean-Louis Tourre pour lui répéter les questions auxquelles il est censé répondre.
En tant qu’agent, je ne lui aurai pas conseillé un poste dans les médias alors que durant toute sa carrière il a fui les journalistes donnant des interviews avec parcimonie. La radio réclame de ses intervenants une grande spontanéité et de l’humour qualités qui ne saute pas aux yeux chez Anelka.
Des postes au sein d’équipe dirigeante où il n’aura pas fait long feu
Entraîneur des attaquants à Lille : un passage sans lendemain
Nicolas Anelka fut chargé d’intervenir auprès du centre de formation de Lille pour conseiller ses jeunes pensionnaires notamment sur le poste d’attaquant. Censé faire partie du staff de Christophe Galtier, on ne saura jamais réellement ce qu’il aura apporté à Lille dans cette fonction occupée très brièvement.
Directeur sportif de Hyères : un petit tour et puis s’en va
Là encore, les contours du poste et ses réelles missions interrogent. Quand c’est flou, il y a un loup et l’histoire commencée le 3 février 2021 s’achèvera le 4 mai de la même année.
Président d’un club de D2 turque d’Umraniyespor : 6 mois puis retour à Paris
Arrivé au club Nicolas Anelka avait de grandes ambitions lui qui déclarait dans Le Parisien « Je vais développer le club. Par rapport à ce que j’ai vécu je pense que je vais apporter mes idées au projet d’Umraniyespor ». Cet enthousiasme n’aura pas survécu au réel et l’expérience tournera court s’arrêtant au bout de 6 mois.
Cet après carrière est dans la stricte continuité de celle de joueur avec des difficultés à se fondre dans un collectif de travail et sans la moindre remise en cause malgré les échecs successifs. Avec Nicolas Anelka, il en va toujours de la faute des autres : les supporters, les médias, les coachs,etc…Si j’avais été son agent, j’aurais poussé Nicolas Anelka à un minimum d’introspection et à sortir un peu de ses certitudes toutes faites. L’homme eut-il appris de ses erreurs son après carrière aurait pu effacer les affres de sa carrière de joueur. Il n’en sera malheureusement rien. Nicolas Anelka restera comme le précurseur de ces joueurs surdoués à la carrière infamante pour leur talent. Il en sera ainsi de certains joueurs de la génération 87 tels que Jérémy Ménez ou Hatem Ben Arfa. Tous autoproclamés rebelle ou incompris pour mieux masquer l’impossibilité d’avoir eu une carrière digne du talent qu’ils avaient dans les pieds.
Et vous que pensez-vous de la carrière de Nicolas Anelka ? Quel choix auriez-vous fait à sa place ?